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 Question de perspective

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Question de perspective Vide
MessageSujet: Question de perspective   Question de perspective I_icon_minitimeJeu 18 Avr - 12:14

Dead sober et énervé, simple conséquence de cause à effet, Kirsan arpentait ce qui ressemblait sans aucun doute possible à l’ancienne zone industrielle d’Olide, territoire recouvert de sinistres blocs de taules branlantes et harassés de vents coulis. C’est pas la dessous qu’on planquerait un Soukhoï T80, observa-t-il machinalement tandis que les hangars environnants lui répondaient plaintivement en grincements métalliques. D’une démarche leste et pressée, il rentra la tête dans le col du gros blouson de cuir brun et activa le pas, maudissant la nuit et les éclairages piteux, le froid et le printemps qui n’arrivait pas. Mains gantées de fins racers et plantées dans ses poches, le vétéran serrait et relaxait la dextre à répétition, un tic qui avait fini par le gagner depuis qu’il ne se séparait plus du poing américain argenté.

Craig Sanders se fichait éperdument de lui quant aux lubies de « bijoutier » qui transformaient sa pièce à vivre en mini-forge. « C’est du travail de roumain, » lui avait-il fait remarquer cette fois-ci où il le découvrit en train de tartiner d’argent liquide, les deux faces de la lame d’acier noir de l’un de ses poignards de combat. Ce à quoi, gardant rancune au suédois, Kirsan avait répliqué devant l’écroulement d’un établis fraichement bricolé par son ‘patron’ : « C’est bien du Ikea. » La médaille du FSB et le matricule qu’il portait au cou était les deux seules choses que le mayor n’eut fait fondre pour rien au monde, dût-il se faire emporter par un strigoï. « Mec, t’as un syndrome de stress post-trauma », l’avait encore une fois raillé le suédois, lorsqu’il avait découvert Kirsan attablé devant un amoncellement hétéroclite de de sprays, peintures, bouteilles isotherme plus l’incompréhensible présence d’antiques roulements à billes de turbines. Le vétéran s’était contenté de gronder indistinctement qu’il trafiquait du collargol. « T’es au courant de risquer l’argyrisme ? » avait-il courageusement demandé au russe. Un regard noir précéda la réponse de celui-ci, remémorant à Sanders de ne jamais trop titiller un maniaque sur sa manie : « Man, j’suis né avec une cuillère d’agent dans la bouche, as to say », lança-t-il, agacé, puis indifférent au haussement d’épaules désolé de Craig, avait poursuivi sa chasse aux nanoparticules d’argent.

Le quinqua n’avait pas totalement tors, Kirsan souffrait effectivement d’une sorte de SPT mais pas tant lié à la guerre qu’à l’épisode d’Iakoutsk où, tout droit surgit des contes de bonnes femmes de feu sa superstitieuse mère, un strigoï sous les traits d’une femme affamée s’était jeté sur lui, clôturant la question des disparitions inexplicables dans le camp. Longtemps crut-il n’avoir fait que rêver, d’autant qu’il ne rapporta pas l’incident aux autres. Le cauchemar se mêlant au réel, les horreurs de la guerre qui le hanteraient bien après la fin de celle-ci, coloraient le souvenir de sorte à ce qu’il soit incapable de discerner le réel du songe. Mais l’instinct de survie en lui était plus fort que tout et lui dictait, sous couvert de ce que Craig appelait folie, de se préparer à défendre encore et toujours sa vie. Assurément, ne s’attendait-il pas à se confronter ce soir même au fantôme de ce lointain passé : des siècles semblaient s’être écoulés depuis la sortie du goulag refuge, lors que seuls deux ans avaient filés.

Les rumeurs s’avéraient, l’endroit semblait désert et nulle clameur ne parvenait à son ouïe. Ce qui pouvait bien se tramer derrière les volets roulants et autres grands portails ne le regardait pas, tout ce qu’il cherchait était un endroit de stockage de gros, vide et sur le volet duquel Sanders et lui pourraient foutre un gros cadenas, façon de parler. Magouiller n’était pas chose aisée, la ville était bien trop petite pour songer ne serait-ce qu’à créer une société écran. Ahaha. Les bons vieux réflexes désuets. Ils allaient donc réclamer en bonne et due forme l’attribution d’un gros garage pour les encombrants qu’ils étaient chargés de transiter. Pas si désert qu’ça, constata-t-il en s’apprêtant à croiser un couple de jeunes apparus de nulle part. Un sourire nostalgique étira sa commissure. La pisseuse avait de belles jambes, ça faisait un moment qu’il n’avait plus vu de mini-jupe. Les deux marchaient la tête basse, de sorte que leurs regards lui restèrent cachés, mais il ne manqua pas les sourires fendards qu’ils arboraient. Une sensation étrange le parcourut et il secoua vivement la tête, poursuivant sa route. Wait. Mini-jupe, really ? Pas qu’il fût plus frileux qu’un autre mais les volutes blanches qui accompagnaient son souffle n’était pas de la fumée de clope. Ça pelait.

Quatre secondes après les avoir croisé, deux silhouettes apparurent à nouveau au loin devant lui. A peu près deux-cent mètres, estima-t-il, avant de se croire victime de la berlue. C’était encore eux. La nénette aux longues jambes et son petit copain. Le dernier record olympique qu’il eut en mémoire au 200 m était détenu par un athlète OGM, 15 secondes. Une décharge d’adrénaline le foudroya et son corps entra en alerte. Il regarda un instant sur sa droite, décidé à se foutre contre un mur le temps de retrouver ses esprits et surtout, de n’avoir que 180° à surveiller devant lui, les arrières protégés. Mais lorsqu’il retourna la tête il n’y avait plus personne en face.

*****
« Je mords la première cette fois ! C’est toujours toi, » se plaignit Hannah, sa litanie vieille d’un siècle.
« C’est moi qui les hypnotise après et qui protège nos culs, ça mérite le premier sang », rétorqua Milan, incorrigible adolescent de 322 ans passionné par la psyché.
« Mais… Oh et puis merde hein. Cette fois, que la chasse dure quelques secondes au moins. Sera meilleur avec le goût de la peur. »
Le jeu n’est qu’une question de perspective et les deux canites dans leur bon droit, s’accordèrent sur l’organisation de leur divertissement nocturne.

*****
Adossé contre un solide mur bétonné, le mayor tentait de se raisonner. Certainement, avait-il du trop forcé sur la boisson et se trouvait maintenant en état de manque auquel devait-il ses hallucinations. Anodines, en y pensant bien. Après tout, n’allait-il pas d’un fantasme de voir une poupée dans le genre, aller les jambes nues ? Mouais. Why l’accompagner d’un mec alors. Stupid brain, what are u trying to tell me ? La bataille qu’il livrait contre ses angoisses et armé de son seul sens commun ne l’empêcha pas de sortir le poignard de sa botte et de le glisser dans la manche de son blouson, lame plaquée contre l’avant-bras, pointe vers le coude. Prenant une grande inspiration, Kirsan sortit de sa planque et s’avança à découvert, RAS sur une dizaine de mètres. Jusqu’à ce que l’air ne se mette à vibrer sous les tirs de munitions à taille humaine qui n'évitaient le crash qu’au dernier moment, non sans l’avoir brusquement bousculé sur les cotés. Le manège d’intimidation se répéta encore et encore. Sensorialité aux aguets et boosté à la trouille, l’esprit du vétéran se ferma et l’instinct prit le relais en lui. Serait toujours temps, s’il restait en vie, de se questionner une fois le choc passé. Il jura entendre leurs rires, brisés et éthérés par la vitesse surnaturelle tandis qu’il échouait continuellement à anticiper leur prochain angle d’attaque.

Il ne poireauta pas longtemps, une prise ferme et solide se verrouilla subitement au niveau de ses coudes, lui ramenant rudement les bras en arrière. Le frisson de répulsion n’eut pas le temps de lui remonter l’échine que la belle se trouvait déjà devant et contre lui, mâchoires grandes ouvertes et feulant, crocs d’ivoire poli en évidence. Elle semblait s’adonner à un monstration ostensible de dangerosité, lueur de triomphe lisible dans le regard inhumain qui dardait le bleu arctique des prunelles du vétéran. Le col aviateur et la manche du blouson chuintèrent d’un craquage et d’une déchirure simultanés. Mais à peine le perça-t-elle à la jugulaire que deux grésillements effervescents se firent entendre, accompagnés d’un cri suraigu et d’un horrible râle de souffrance. Le menton de la femme avait malencontreusement rencontré la chaine d’argent et la lame du poignard malencontreusement trouvé demeure dans le giron de l’assaillant. Kirsan s’extirpa brutalement de leur étau, poing armé s’abattant impitoyablement sur la mâchoire fumante, sans que la fine étoffe du gant n’atténue le mordant de l’argent. La vilaine, joue cloquée, plongea aussitôt à son compagnon autrement blessé.

Le vétéran porta maladroitement sa main libre à l’endroit de la morsure et le liquide chaud intarissable lui poissa aussitôt le gant. She’s pissed, observa-t-il très judicieusement tout en reculant expressément, poignard prêt à parer pour le peu que cela pourrait changer. Aurais dû la laisser boire, la garce. Refusant de se retourner, il s’attendait à ce qu’elle le charge à tout moment tout en sachant pertinemment que sa perception normale ne lui permettrait pas de la voir venir. Un seul mot martelait ses tempes au rythme effréné de son pouls : strigoï, strigoï, strigoï. Il ne servait à rien d’appeler à l’aide. Pas plus que de les sommer de le laisser en paix. Après tout, devant lui se trouvaient des revenants vengeurs qui n’avaient été proprement enterrés, un pieu dans le cœur selon la tradition, et le voilà maintenant cible de leur courroux, responsable de leur mort passée. N’était-ce pas le but de leur errance ? Venger leur mort ?

Le mayor s’arrêta et campa son appui, une flamme froide brulant dans ses prunelles acier. Qu’elle le charge. Des millions de morts étaient sur sa conscience, ça n’était pas un ou deux revenants qui feraient la différence : il devait protéger les vivants et à commencer par lui. Le strigoï qu’elle tenait dans les bras semblait murmurer à son oreille, la retenant d’une main d’albâtre accrochée au pull de la fille qui secouait la tête, têtue et écumante de colère. L’air encore humain quelque part. Ces créatures étaient coriaces, il le savait. Contracté et fléchis sur ses jambes, Kirsan l’interpela avec un calme de surface, le ton dur et grave : « Allez, viens mettre un terme à ton errance. »
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Alexander Clarke
Sentinelle

Alexander Clarke

Localisation : Dans les ruelles d'Olide.
Emploi occupé : Sentinelle.

Question de perspective Vide
MessageSujet: Re: Question de perspective   Question de perspective I_icon_minitimeMer 5 Juin - 14:32

    Le secteur C était de loin le lieu privilégié des faux-semblants et des chausse-trapes. Peu étaient ceux qui parvenaient à s'y aventurer sans encombres et la Sentinelle, jetée aux trames, labyrinthes et pièges de ce repaire sordide arborait pourtant un sourire gorgé de satisfaction sous son casque épais puisque l'aventure se promettait - il n'en doutait pas - d'être fort plaisante. Les signes les plus ostensibles d'une nuit agitée s'annonçaient lourdement, dans la rumeur attenante. Alexander considérait alors l'endroit avec ironie. Les mortels encore une fois si fantaisistes... Des éclats de voix parvenaient dans un bouge voisin et le canite devinait déjà la cause de la querelle, une femme infidèle, l'amant et l'époux réunis, les meubles qui volaient en éclats. D'un seul mouvement de tête le buveur de sang indiquait aux deux autres, à ses côtés, d'intervenir, et le fracas cessait dans la seconde même où les immortels avaient disparu de son champ de vision. Rapidité, efficacité. La parole des Sentinelles s'imposait toujours avec fermeté et rigueur, persuadée de sa force et de son pouvoir. L'autorité devait demeurer stationnaire, fixe et surtout efficiente, il en allait de la sécurité entière de la ville. Oh, les humains étaient bien entendu trop ignorants pour espérer s'insurger mais ici, les choses étaient différentes. Agir trop lentement équivaudrait fatalement, à un moment ou à un autre, à ouvrir les hostilités. Si les menaces de sanctions, d'incarcérations et de châtiments multiples les favorisaient ils risquaient pourtant d'élever le nombre trop important d'agitateurs compris dans ce département à trop traîner lors d'interventions de ce type. Quoi de plus normal ? Les Sentinelles, protectrices d'Olide, étaient vues d'un mauvais oeil par l'ensemble de la population et n'étaient certainement jamais accueillies à bras ouverts. Il fallait bien peser les conséquences d'un tel revers. Les humains ne sauraient l'emporter en cas de soulèvement mais ceci entraînerait inévitablement de graves répercussions sur l'équilibre de la cité. La prudence était donc de mise. Sitôt ses comparses à ses côtés, l'homme reprenait sa marche, quittant les ruelles sales et humides pour se diriger vers l'est.

    Dans un calme plat, la petite escouade finissait par débarquer aux environs des hangars, sous le regard inquiet des quelques badauds encore présents mais qui s'empressaient pourtant de tourner talons une fois la troupe passée. Les trois compères ne manquèrent pas s'esclaffer à les voir décamper de la sorte, et bientôt les conversations débutaient, insinuations graveleuses qui accentuaient l'hilarité, les rires aux accents métalliques résonnant en s'évanouissant pourtant trop vite. Le froid glissait sur eux comme l'eau sur la carapace d'une tortue. Le bleu et le gris, de front, mêlés d'orange. Le bitume presque entièrement consumé accueillait pourtant les trois Sentinelles sans se dérober davantage. Les iris attentifs restaient fixés sur les structures oxydées. Les rectilignes semblaient se multiplier, innombrables, offrant un paysage morcelé, infini. L'endroit rêvé pour la vermine, songea Alexander, sans jamais détourner les yeux du décor structuré. Borislav marquait soudain l'arrêt, comme le bon chien de garde qu'il était, et imposant dans son armure lourde, d'une tête plus grand qu'Alexander, il laissait entendre sa voix caverneuse, déjà prêt à intervenir.

    - Une traque. Un seul humain.

    Une agitation forcenée, l'immortel l'avait bien senti, et souriant à peine, il répondait posément, engageant le jeu d'un geste détaché de la main, désignant les veines larges et sombres, en bas, en répondant:

    - Oui, je le sens. Sans doute la clef des deux dernières disparitions. Borislav, à droite, Stanimir, à gauche, bougez-vous le cul, ce serait dommage de se contenter d'un cadavre hm ? Ca plairait pas du tout au Haut-Dirigeant...

    Les gardiens partirent vite, se dirigeant en hâte vers les issues étriquées. Un tel affront n'apporterait que des problèmes, Alexander le savait déjà. S'il fallait présentement intervenir au plus vite, les suites seraient bien moins réjouissantes pour les immortels. La Sentinelle poussa un léger soupir, s'élançant à son tour en direction du fracas provoqué par la rixe qui se tenait à plusieurs centaines de mètres de là. Les vampires qui chassaient cet homme, ou cette femme, ne faisaient pas dans le propre, et le bien net, tout du moins, la discrétion n'étaient pas leur fort. Des imbéciles. Animaux sauvages qui hantaient les promenades, ceux-là, vides de sens, périraient pour leur faute. LA faute ultime. La main qui nourrissait ne pardonnerait jamais, et Alexander jouissait déjà du plaisir d'annoncer la sentence terrible. Certains buveurs de sang n'étaient guère faits pour rejoindre Olide, régie par ses lois et ses privations multiples. Certains ne pouvaient comprendre, et ne pouvaient résister à l'infection qui se répandait comme la gangrène. La soif, le désir constant de goûter au sang. Tous ne pouvaient contrecarrer leur véritable nature. Les chasseurs nés ne pouvaient pas tous contrarier l'instinct et si ceux-là passaient les portes de la cité et fautaient, alors ils mourraient.

    L'homme évoluait avec célérité, ignorant le froid plus dense, qui ne l'atteignait même pas. Le port de l'armure n'entamait en rien la discrétion d'un veilleur, primordiale ici, pour une opération réellement profitable. Rien ne devait être mis de côté, et, décelant les mouvements de plus en plus enflammés, la Sentinelle savait avoir affaire à deux canites, d'un âge proche du sien, exhortés au mal, à la perversité, et au besoin permanent de détruire. Presque banal. Tout divertissement était prohibé dans ce genre d'interpellations mais Alexander exultait pourtant.

    Il vit alors, l'humain, légèrement fléchi sur ses jambes, le regard plein d'aversion pour la chose qui escomptait mettre fin à ses jours. Un endroit trop lugubre, froid, insalubre pour mourir mais bien peu auraient fait grand cas de cela et auraient tenté un seul instant résister. Grossière erreur pour les deux immortels, celui-là ne coopérerait pas. Pas de pardon pour l'hubris qui avait déclenché son courroux, la Sentinelle savait que l'homme se défendrait avec hargne, quitte à y laisser sa peau. Courageux, mais stupide. La mort décimait rapidement, mais survenait pourtant le coup de tonnerre qui apposait son sceau final sur cette obscurité létale. Le gardien s'était immobilisé, pour observer, et plissait légèrement les yeux en voyant l'humain, en bien mauvaise posture à présent. Ce n'était pourtant pas terminé. Il sourit au grondement sourd, devinant sans mal la réplique, la femelle n'en resterait pourtant pas là. Il était grand temps d'intervenir. Sans que l'humain ait pu percevoir ses mouvements, il barrait soudainement la route à l'immortelle, laquelle freinait son avancée furieuse, l'expression marquée de stupeur, alors que peu à peu, les traits grossiers se baignaient d'épouvante. Elle comprenait. En arrière, Borislav et Stanimir coupaient déjà toute retraite mais farouches, les immortels en faute escomptèrent bien détaler devant les figures de l'Autorité. L'homme tenta une débâcle et reçut un coup de poing magistral en pleine figure, avant d'être attrapé par le col et soulevé du sol comme un vulgaire guignol. Borislav avait toujours distribué les plus beaux gnons, toutes les Sentinelles qui s'étaient déjà battues avec s'en rappelaient encore. Alexander n'y avait encore jamais goûté, et heureusement. La fille semblait sourde, presque aveugle, dans un état de terreur indicible, elle sentit bientôt Alexander s'emparer d'elle, Stanimir s'occupant, une fois les deux immortels neutralisés, d'aller voir dans quel état se trouvait le mortel. C'était maintenant que les vrais ennuis commençaient. Il ne fallut pas longtemps au veilleur pour voir la morsure, le canite plissant les yeux, en resserrant son étreinte sur la gorge de la malheureuse apeurée, le buveur de sang sifflant, la voix résonnant et annonçant les décisions à venir.

    - Tu as choisi un être de condition inférieure pour compagnon et c'est bien la décision la plus stupide que tu auras pu prendre dans ta vie. Votre quête morbide vous vaudra les sanctions nécessaires.

    Il appela Stanimir, lequel venait se charger de la femelle, se détournant alors, pour approcher l'humain. Quelques pas suffirent à l'amener au devant de lui, et il considéra la blessure, reportant son regard sur les deux immortels en faute, en indiquant, maintenant furieux car la nuit promettait d'être longue et au final, bien peu agréable avec un humain fraîchement attaqué et encore bien lucide:

    - Celui qui a mordu crèvera le premier et ma parole je lui promets une belle fin de nuit. J'imagine que l'un de vous deux se chargeait de les mettre en état d'hypnose juste après à moins que vous soyez cons à ce point, lequel est-ce ?

    Alexander était partagé entre deux désirs, les abattre sur-le-champ, ou leur accorder mille sévices mais ces deux là devraient d'abord passer par les hautes instances, et cela prendrait bien deux nuits entières aux Autorités pour juger de la gravité de la situation et annoncer le verdict. La Sentinelle vit bientôt l'homme en faute relever la tête, psalmodiant un faible " Moi... " et alla l'empoigner par la nuque pour le porter sans précaution au devant du mortel, indiquant, intransigeant, en raffermissant sa prise, prêt à lui briser la nuque, le ton de voix n'autorisant nulle réplique:

    - Magne-toi le cul, j'ai pas toute la soirée.
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MessageSujet: Re: Question de perspective   Question de perspective I_icon_minitimeVen 7 Juin - 13:21

Toute sa vie le Mayor avait fabriqué du sens à son existence en exécutant patriotiquement et de pleine conscience, ce qui devait être fait, quel qu’en soit le coût. Les grandes pensées humano-progressivistes et le social enhancement prôné par le Parti dépassaient de trop loin son échelon salarial pour qu’il n’y frottât son sentiment personnel. Puis la guerre était arrivée, prompte à culbuter les dernières certitudes auxquelles il s’accrochait mordicus depuis que Leila l’avait jugé. Elle était repartie chez sa mère avant les bombardements en le plantant là sans préavis et lui avait laissé pour dernière impression un imbitable arrière-goût d’échec. Si tu pouvais porter aussi fièrement ta lâcheté que tes galons ça serait déjà une bonne avancée ! C’était les derniers mots qu’elle lui avait craché à la face, éplorée et armée d’un sourire de fausse complaisance qui masquait à peine sa colère toute orientale, et elle avait tourné les talons avant que son Mayor de fiancé n’eût panné un seul bout du problème. N’avait-il pas été un compagnon irréprochable, ne lui avait-il pas tout donné ? Justement, comme tout le reste, subvenir à ses besoins et lui assurer un avenir confortable était un devoir préprogrammé dans sa cervelle depuis ses douze ans et il était très satisfait de lui-même, jusqu’à ses talents d’amant. Rien n’était de trop pour sa promise, ni même se faire instruire par les catins pour le plus grand plaisir de sa dame. Professionnel en tout. Si la guerre l’avait décillé sur pas mal de choses, subsistaient masse de mystères irrésolus confinés dans ses mémoires mortes.

Pourquoi la pensée de sa femme revînt subitement le hanter alors qu’il s’apprêtait à renvoyer le strigoï dans sa tombe au risque d’y mettre le pied lui-même ? Leila, avec ses grands yeux noirs et sa cramouille foncée. Peut-être n’était-il que la victime d’un insatiable besoin d’absolution et de pardon avant l’ineffable, de l’absurde nécessité de se rédimer pour l’avoir trompée sur tout en se masquant superbement la face depuis toujours. Rien de moins humain que demander le pardon. Etre mortel était paradoxalement, la condition nécessaire, bien que non suffisante, pour vouloir changer. Il vit l’éclair de haine dans le regard ulcéré de la créature et y lut le signal, à toi, Leila , sa jambe d’appuis le propulsa et son bras armé entama la détente pour planter droit devant. Et freiner d’un arrêt épileptique devant l’apparition subite d’un mur carbonné. Mais lui n’avait pas les réflexes d’un canite, et dût parer le choc avec l’avant-bras pour ne pas se manger l’armure, hoquetant son incrédulité dans un grognement étouffé avant de retrouver l'équilibre. Que… Trois, trois Sentinelles, comprit-il malgré l’état de stupeur qui le cloua un instant de trop. Si l’intrication/téléportation quantique de matière vivante existait déjà coté technologie militaire, alors on lui avait menti. Sauf l’introspection personnelle, sa réflexion restait efficacement processuelle et ne manqua pas d’éliminer et sélectionner l’explication la plus plausible, dût-elle aller contre ses prières et révéler l’horrible réalisation qui en résulterait : ils sont aussi rapides que ces strigoïs. En deux millisecondes venait d’être éliminée l’idée d’un exosquelette dans leur armure qui justifierait et leur force et leur déplacements supraluminiques ; les avancées scientifiques n’étaient pas à ce point secrètes, surtout pour un spécialiste de l’armement russe.

Se tirer dare dare aurait été foncièrement stupide et surtout impossible, aucun doute quant au traitement qui lui serait réservé s’il tentait de fuir. Le même que ses agresseurs, cueillis comme des rats. Alors, aussi brièvement que dura la bisbille entre strigoïs ou quoi qu’ils fussent, Kirsan se contenta de reculer, les muscles tendus à péter sous l’instinct viscéral qui l’intimait de détaler. Il observa les trois apparitions, les yeux écarquillés d’un regard médusé et une large grimace interdite sur la face. L’idée d’être soulagé ou reconnaissant de l’intervention ne trouvait pas le chemin. La vague impression d’un plongeon piqué dans une piscine de merde sans fond fut plus prompte à renflouer ses synapses. Le poignard… Il le fourra machinalement sous son blouson bombardier, et la sensation de la lame poisseuse et refroidie contre ses reins lui fit frissonner l’échine. Deux coups d’œil erratiques lui indiquèrent le prompt rétablissement des blessures qu’il avait infligé aux bestioles. L’argent ne faisait pas assez trainer la résorption des plaies à son goût. Sanctions qu’il dit, genre, tribunal de strigoïs ? Un lointain relent de fou rire hystérique s’éventa avant terme : le peu de lumière apportée sur la situation projetait sur le monde une immensité d’ombre incommensurable. Son cerveau bloqua lorsque l’interpelé Stanimir, si son ouïe ne lui jouait pas de tour, déporta son attention vers lui. Le temps de réfléchir n’était pas advenu, restait encore à accuser celui du choc et avant tout, dégager de là, vivant , de préférence.

Le vétéran se redressa à l’approche de la Sentinelle, silencieux et le port haut, visant droit devant. En pleine conscience et lucidité du danger, il lui semblait que son cœur aspirait à l’infarctus et il se surprit connement à constater que ces foutus militards là avaient quand même un putain d’équipement vu de près, observation des plus triviales mais pseudo-réconfortante. Le milicien, enfin, la créature caparaçonnée, releva la visière de son casque et Kirsan vrilla les yeux sans tourner la tête pour croiser la focale du type. Le regard bleu dur comme l’acier fraichement trempé, mais tout aussi cassant, plia sous le carreau décoché par l’autre, ses prunelles d’un jaune reptilien sur fond rouge nervuré et luisantes comme si derrière ses orbites, brûlait un feu corrompu. Définitivement inhumain . L’en avait apparemment après le souvenir que l’autre chienne lui avait laissé. Raide comme un trousseau de fer d’épée, le Mayor essuya péniblement le rapide examen visuel, une sueur froide perlant au front, et parvint à pousser la question qui le démangeait. Alors qu’il voulût s’illustrer d’un recul nonchalant sur la situation, sa voix faillit à s’élever, et il éructa rauquement ses mots : « J’espère qu’c’est pas contagieux son truc.» Tourner strigoï serait le dernier des châtiments imaginables, songea-t-il, autant crever de mille morts par l’esprit d’un bourreau inventif. Que la Sentinelle ne goûta pas la plaisanterie, ou alors, qu’elle ne le montra pas, ce fut pour le moins sans juger nécessaire d’informer l’humain qu’il ne risquait rien. Et alors que celui qui semblait tenir le rôle de supérieur semonçait les deux fauteurs de troubles, Stanimir se décarapaça une main et l’avertit d’un ton trainant et formellement blasé. « Je vais traiter les lésions et vous allez laisser votre joujou là où il est. Cela va sans dire qu’il est inutile que vous tentiez quoi que ce soit. »
Vl’à qu’ils font aussi infirmiers, songea Kirsan, éberlué et éminemment suspicieux. Sans cesser de fulminer en sourdine, il hocha lentement la tête en signe de coopération et observa la Sentinelle, le regard emplis d’une indicible appréhension. La berlue le prit: le type tenait en main une boite plate façon kit compresses de poche sans qu’il ne l’ai vu le sortir de nulle part. Assurément trop rapide pour le regard humain, Kirsan n’avait rien capté, pas plus qu’il n’avait vu Stanimir se mordre le gras du pouce au sang.

Le vétéran tourna la tête pour faciliter l’accès à sa blessure, sans sortir le type de sa ligne de mire quitte à en avoir mal aux yeux, comme un clébard sur la table du vétérinaire. Mais le militard avait raison : il n’avait aucune chance en lice contre trois, voire cinq de ces créatures quelle que fût leur espèce. Ni même deux. Pas sans l’effet de surprise qu’il ne détenait plus. Leur apparence n’étaient que tromperie, et il avait beau devoir baisser la tête pour reluquer ce foutu démon carapacé, force lui était de reconnaitre qu’un seul mouvement de celui-là suffirait à l’allonger par terre comme la dernière des bleusailles. Aussi détestable et contrenature que fût sa propre obtempérance, Kirsan supporta l’administration du contact, les mâchoires bien crispées et le corps contracté à bloc. Stanimir, vigilant à ne pas toucher la chaine du dogtag, faisait visiblement face à une récalcitrance inédite des tissus de l’humain. Il siffla des jurons bien moins policés que son speech précédent, balayant avec une rude insistance les deux marques de canines d’un pouce ensanglanté comme un maniaque de la propreté acharné sur une tâche de crasse. Ça mettait du temps, plus de temps que de coutume et Alexander, qui était à la patience ce que Borislav était à la finesse, venait de présenter le fautif pour l’hypnose.
A l’agonie sous l’insoutenable proximité de la chose, les poings serrés de dégoût et blanchissant l’air de furieuses volutes de vapeurs nasales, le vétéran avait cessé de superviser la Sentinelle et regardait le ciel noir tout en psalmodiant maintes suppliques redondantes, Putain d’merde, putain d’bon dieu de merde, jusqu’à ce que les phonèmes « hypnose » ne lui claquent à l’oreille. Non, foutre non, fut son verdict. Il s’était promis de ne plus fuir devant la vérité et la réalité du monde, mais la lâcheté semblait cette fois lui être imposée.

Ça ira, jugea Stanimir en repassant derrière lui sans le maintenir. Il avait remis son gant et rabaissé la visière sur sa face sceptique, turlupiné d’une intuition incomplète. Le « Fixez le, ou je vous aide à coopérer » qu’il feula à l’humain fit échos au « Magne toi le cul, j’ai pas toute la soirée » de l’autre armuré à l’attention du fautif, et l’expression du Mayor s’échauda d’une exaspération meurtrière. La réalisation continuée des évènements lui saturait le crâne d’une soupe d’analyse folklo-scientifiques et ses nerfs empruntaient le seul raccourcit salutaire possible : il aurait voulu frapper tout son soûl et relâcher sa pétoche passée dans la brutalité et le fracas des coups. Mais il en était réduit à l’impuissance et ne pouvait qu’écumer sa rage en sourdine. Milan tenta de récupérer le peu de dignité encore permise en telle posture, l’inflexible poigne de l’Autorité sur sa nuque comme préfiguration du couperet suprême, et fit dans son déshonneur, honneur à sa race. Le visage du canite se relaxa et ses prunelles flamboyèrent tandis que les mots se mirent à couler d’un filet de voix régulier et vibrant : « Ce soir l’avenue était déserte et tu n’as pas trouvé ce que tu cherchais. Alors tu as décidé de revenir un autre jour et tu vas maintenant rentrer chez toi pour laver les tâches de sang et te changer, puis tu oublieras de l’avoir fait et reprendras le cours de ta vie. » Il s’efforçait de projeter de fidèles percepts préformés, de sorte à ce que l’esprit de l’humain s’en empare librement et les assimile sans résistance. Pourtant, Milan rencontra la même récalcitrance que son congénère en règle quelques instants plus tôt, quand bien même l’homme paraissait réceptif, et un doute le tarauda quant au succès de l’opération.

Pendant que la créature performait son salamalec de fakir, le cœur du vétéran semblait vouloir se dépoitriner tant il cognait fort, à l’instar des effets réputés lénifiant de l’hypnose. Peut-être même que Sanders l’entendait battre, depuis le secteur B. Que quelque chose n’allât pas comme ces satanés strigoïs l’eussent souhaité, Kirsan en était plutôt conscient et la cause lui apparaissait maintenant, flagrante dans toute son évidence. Il jouait un jeu dangereux et frôlait l’empoisonnement, en vain, pensait-il souvent, délivré de ce que son associé qualifiait d’accès de délire, et force lui était-il maintenant de constater que sa raison l’emportait. Mais eux, n’en savaient rien, alors il lui fallait ravaler sa colère, ses émois corrélatifs et simuler pour leur filer ce qu’ils attendaient afin de repartir peinard. Feindre à moitié. Car il sentit peu à peu l’étau cotonneux et vibrant lui envelopper l’esprit et les sens sous le regard anxiolytique du morveux. C’est un foutu gamin, doit pas avoir plus de 18 ans bon sang de bon dieu ! était l’une des choses qui lui traversa l’esprit tandis qu’il fixait le vert-bronze iridescent des prunelles du strigoï, réprimant la démangeaison de la curiosité qui l’insitait à lever les yeux sur la sentinelle qui maintenait le gamin. Tu verras qu’un foutu casque, s’exhorta-il, gardant vaille que vaille une focale fixe. Puis ses pensées se mêlèrent en un bourbier de sémantique et de volitions, constats copulant avec suggestions et inclinaisons étrangères, et il accepta dans son être et sans se faire prier, l’envie irrépressible de rentrer chez lui. Oublier, tu parles que ça s’rait presque souhaitable. Ça n’est qu’une apparence, cette chose n’est pas à sa place et n’a pas plus 18 ans que c’que je suis la reine de Suède. Tiens faudrait que je titube en arrière. Il ne lutta pas et se laissa aller à un état de quasi-relaxation, le perçant de son regard polaire nimbé du brouillard de l’obéissance intelligente.

Il était presque libre. « Va, maintenant. », ânonna le strigoï, et le Mayor ne se fit pas prier. Il hocha la tête et se détourna tranquillement, un flash d’intelligence vive pulsant de ses iris, trop heureux d’être enfin délivré de la vue de ce ramassis de démons et de les laisser à leur procédure judiciaire d’outre-tombe. Il démarra d’un pas leste et énergique, un raz de marée conceptuel lui formatant les circonvolutions grises. Presque. Il ajusta le col de son blouson et planta les mains gantées dans ses poches en accélérant, s’empêchant de justesse de courir. L’adrénaline déferlait à nouveau dans ses veines et une nervosité bâtarde le gagnait, l’impression d’avoir coupé un litron de café noir à un pétard bien chargé. Si cette Milice n’est pas humaine… alors... Alors cette, ville, Olide et son fondateur, ses murs, son organisation… ça n’était pas le moment de faire dans le détail. Bon, mauvais, policés ou non, peut-importait. Un malaise vertigineux le prit, faisant place nette à la terreur. Il tapa un sprint.

Stanimir retira une nouvelle fois son gant, une inflammation bénigne lui irritait le pouce, celui qu’il s’était ouvert et avait apposé sur la morsure sanglante de l’humain afin d’effacer les traces de ponction ratée. Le constat d’une légère allergie fut vite établi : « Hmm. On a peut-être un problème. Cet homme à de l’argent dans le sang. » Le canite quasi tricentenaire aux traits de morveux jugea bon de commenter sans avoir été sonné : « Du collargol, entre autres appellations. » L’humain n’était pas loin.
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